lundi 28 juillet 2014

Les alligators de Charleston et ceux du Mississippi.

Tom et Larry m’avaient prévenus à mon arrivée, le mercredi 2 avril (2014),  en me conduisant de l’aéroport de Charleston à mon logement à Magnolia Plantation : « lorsque vous irez vous promener dans les marais, attention aux alligators » ! Ma première réaction a été de leur demander si c’était une blague ou, du moins, s’ils n’exagéraient pas un peu le risque … « C’est la saison des amours et les alligators sortent plus facilement de l’eau et sont plus agressifs, si on s’approche trop près d’eux », m’assure Tom, traduit par Larry. Là, je commence à les croire. Naïvement, je leur demande s’il y a aussi des alligators dans la mer : on a beau être en avril, j’ai emporté mon maillot de bain au cas où il ferait suffisamment chaud. « Non, non, me répond Tom, les alligators ne vivent que dans l’eau douce » ! Ouf, mes envies de baignades pourront être exaucées. Mais Tom qui m’a laissé quelques secondes pour me réjouir ajoute, perfide : « dans la mer, il n’y a que des requins » ….. 

Audubon Swamp Garden à Magnolia Plantation

Je ferai plusieurs balades les jours suivants dans l’Audubon Swamp Garden, le marais de Magnolia Plantation dédié à Jean-Jacques Audubon, ornithologue et peintre naturaliste. Le site est magnifique, mais je n’y ai pas vu un seul alligator. Audubon est à peine plus connu en France qu’André Michaux, mais aux États-Unis, où il s’est installé à l’âge de 18 ans et où il a vécu jusqu’à sa mort, à 66 ans, en 1851, après en avoir acquis la nationalité sous le nom de John James Audubon, il jouit d’une notoriété considérable. Plusieurs villes et l’une des plus importantes associations naturaliste, la National Audubon Society, portent son nom.


Drayton Hall
(Photo R. Pluchet)
Le vendredi, je suis emmené pour une visite de Drayton Hall, une ancienne plantation, voisine de celle de Magnolia, et aujourd’hui site historique. Reçu par Georges, le sympathique directeur du site, je la visite en compagnie de Benoît et sa femme Sally. Benoît un chaleureux « colosse » à chapeau de paille appartient à une famille d’origine française. A la fin de la visite, il me demande : « as-tu vu des alligators ? » et semble déçu pour moi de ma réponse négative. Vais-je manquer l’un fleurons de la faune locale ? Benoît me conseille de bien observer et me rappelle que l’on trouve des alligators dans tous les plans d’eau douce, donc ici aussi à Drayton Hall. Reparti avec sa femme pendant que je finis la visite, je le retrouve, sur la route, un kilomètre plus loin, tout excité : il y a un alligator dans l’étang à 100 mètres d’ici. Nous nous approchons doucement, mais il a plongé. L’eau est trouble, je ne vois rien … rien qu’un bout de bois avec des noeuds qui flotte : c’est en fait la tête et le museau de l’alligator qui sortent de l’eau !


Attention : alligators 
Le lendemain, Pat (Patricia), l’une de mes sympathiques interprètes, vice-présidente de l’Alliance Française de Charleston, m’emmène visiter Legare Waring House, une très belle propriété, au cœur de Charleston cette fois. La maison, du XIXeme, est louée pour des réceptions, et se prépare d’ailleurs pour un mariage. A 100 mètres, un magnifique étang, avec une curieuse pancarte : « Caution : alligators » (« Attention : alligators »). Comme je suis accompagné, je pense que je n’ai pas grand-chose à craindre et, tel Tartarin, je me fais photographier au bord de l’eau, près de la pancarte. 


Attention aux alligators : étang près de Legare Waring House

De l’autre côté de la petite route, il y a un autre étang, plus grand et je m’en approche pour admirer la végétation, quand Pat me dit de prendre garde à l’alligator. J’écarquille les yeux : il est à 30 ou 40 mètres de nous, au bord de l’étang, et se distingue mal de l’herbe dans laquelle il est couché. Je m’approche de quelques mètres pour le photographier au zoom. Enfin, j’aurai vu mon alligator. Quelle taille peut-il faire : deux mètres peut-être ? ou même plus ?

Un alligator du Mississippi dans l'étang voisin 
(Photo © Régis Pluchet)

Les alligators vivent dans les marais, fleuves et rivières de tout le sud-ouest des Etats-Unis depuis le Mississippi jusqu’à la mer. Ils appartiennent à la famille des crocodiliens, mais ne sont pas du même genre que les crocodiles proprement dits. S’ils leur ressemblent beaucoup, l’une des principales différences morphologique est leur museau aplati. À l’époque d’André Michaux, cette particularité leur avait valu d’être appelés « caïmans à museau de brochet », caïman étant l’appellation donnée par les francophones de ces régions et alligator par les anglophones. " Le nez est plus retroussé que celui d'un cochon, la tête aplatie de deux pieds quatre pouces et quelquefois davantage en longueur " note Michaux dans son journal, en précisant que : " Leur figure est horrible " !


Pendant plusieurs décennies, les zoologistes se sont interrogés sur la classification des différentes espèces de crocodiliens. C’est un alligator ramené du Mississippi en France par André Michaux qui a permis de définir cette espèce qui vit uniquement aux États-Unis, et qui porte désormais le nom d’Alligator mississippiensis dont le nom courant, en français comme en anglais, est alligator américain.  Il existe par ailleurs en Floride une petite population d’une autre espèce, un "vrai" crocodile à museau long cette fois, Crocodylus americanus ou crocodile américain.

Les alligators n'attaquent pas l'homme ... en principe !...
« Les alligators sortent toute l'année, sauf s'il fait froid. Ce sont des animaux à sang froid et dès le moindre rayon de soleil ils sortent pour capter la chaleur. Contrairement au crocodile, l'alligator n'a pas le sens d'attaquer. À moins de se sentir en danger il préfère s’éloigner, tandis que le crocodile poursuit. J'ai eu le plaisir d'en tenir un. C'était un bébé de 12 à 15 cmCeux que j'ai pris en photo font de 1m 50 a plus de 2 m », m’écrit Magali. Française, passionnée de nature, Magali vit depuis longtemps aux Etats-Unis et est guide-interprète à Middleton Place, l’une des anciennes plantations de la région, proche de Magnolia Plantation

Alligators à Middleton Place (Photo © M. Gignoux)

Les contemporains de Michaux avaient déjà remarqué qu’il est exceptionnel que les alligators s’attaquent à l’homme et qu’il est facile des le approcher. Lui-même signale que les alligators abondent dans les rivières et marais en Caroline et en Géorgie : " Ils avalent aisément les chiens, les cochons et les jeunes veaux, mais au moindre mouvement d'un homme, ils se précipitent dans l'eau ". 

Son collègue et ami, le botaniste Louis Bosc qui était arrivé à Charleston en août 1796, quelques jours après le départ de Michaux pour la France et avait habité deux ans sur son jardin, écrit de son côté : « Je me suis amusé quelquefois en Caroline à les faire sortir de leur retraite et accourir vers moi en faisant japper mes chiens de chasse au bord des rivières. Je leur lâchais ordinairement mes deux coups de fusils ; mais quelquefois, je les laissais approcher pour pouvoir leur donner des coups de bâton, ce dont ils ne s’effrayaient pas beaucoup. Jamais ils n’ont cherché à m’attaquer ; ils se retiraient gravement lorsqu’ils voyaient qu’il n’y avait rien à gagner pour eux autour de moi », écrit Bosc. Certes, on peut leur « clouer le bec » facilement, en raison de la faiblesse des muscles qui ouvrent leur mâchoire. Mais, à l’inverse, quand elle se referme, leur mâchoire est un puissant broyeur.  Si les attaques contre les humains sont très rares, elles sont toujours possibles quand ils se sentent en danger. Mieux vaut donc ne pas s’en approcher de trop près. Combien d’esclaves des plantations du XVIIIème et du XIXème en ont hélas fait les frais ! Ce n'est d'ailleurs pas sans une grande émotion que Michaux s'est trouvé, en mai 1787, obligé de traverser une rivière de Géorgie en partie à pied, puis sur un arbre : " au risque d'être attaqués par les alligators qui abondaient en ce lieu".

L’histoire arrivée à trois jeunes hommes en Louisiane, en juin 2014, illustre bien les risques. Un alligator de plus de 3 mètres de long, allongé sur la route, les ayant obligés à arrêter leur véhicule, ils ont cru naïvement – ils étaient un peu éméchés il est vrai ! - qu’ils pourraient rapidement surmonter l’obstacle en tirant l’alligator vers le fossé. Mais l’un d’eux s’est fait mordre à la main et en a été quitte pour 80 points de suture !

(© YouTube)

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